1933 Gwalarn 54

Titre : Gwalarn 54 (GWA54)

Couverture de la revue

Édition : Gwalarn (GWA)

Auteur : Xavier de Langlais

Illustrateur : Xavier DE LANGLAIS

Type de publication : Revues et journaux (RJ)

Type d’édition : Edition originale (EO)

Langue : Breton

Année de publication : 1933

Numéro dans la collection : 54

Dimensions : 95×120

Nombre de pages : 48

Synopsis : Numéro 54 de Gwalarn contenant uniquement la pièce de théâtre de Xavier de Langlais « An Diou Zremm » illustrée par 3 de ses dessins.

Nombre d’illustration(s) : 3

Code XL : RJ-GWA-GWA54-EO

Dans son journal d’artiste il écrit :  “En diou Zremm”    04/03/1932

J’achève de relire ma Pièce “En diou zremm” aux clartés des critiques de Herrieu en tant que tournures propres au Vannetais. Il est possible que les tournures de phrases, les locutions toutes faites soient parmi les richesses les plus précieuses d’une langue (les plus difficiles dans tous les cas à connaître à fond pour un Etranger) Mais tout de même cela n’est qu’un départ, un point de comparaison, un contrôle. La vraie poésie n’est pas faite de phrases toutes faites, il m’est impossible de partager les intransigeances de H. à ce sujet. L’art est un choix, chaque écrivain doit recréer sa langue pour son usage. 

La plaie de la littérature Bretonne actuelle est cet effort constant et qui souvent porte à faux : “Faire Breton” à tout prix. “Ceci est Breton” ceci n’est pas Breton, “En Breton” on dirait pas cela ainsi.

Tout simplement parce que l’horizon du Breton est resté jusqu’ici trop restreint, trop fermé aux spéculations élevées, de la faute de l’Elite d’ailleurs. Ouvrez les fenêtres et que l’Air et le Soleil nous baignent

07/03/1932

Expédié à Loeiz Herrieu “En diou Zremm” avec une longue lettre.  Qu’elle vive sa vie.

J’ai travaillé toute une année sur cette pièce, peut-être ne la lirais-je même pas une fois imprimée ! D’autres songes, d’autres formes m’appellent déjà. Le fleuve coule.

Ecrit d’artiste 

Xavier de Langlais écrivant à son ami Xavier Haas   sur cette pièce le 24/4/1932 :

Le titre: “Les deux visages” C’est un type défiguré par le feu. Le rideau se
lève sur ces paroles “Mère où est le miroir”?

 Glenn Gouthe  thèse 2021

La première pièce de Xavier de Langlais, An div zremm, Les deux visages, est imprimée simultanément par Dihunamb et Gwalarn. On se retrouve face à une même pièce de théâtre utilisant non seulement deux graphies différentes mais aussi des tournures de phrases
différentes. Une troisième édition fut faite en 1944 en peurunvan.

Elle est divisée en dix dialogues et fait intervenir quatre personnages. Elle est rédigée en proses. Cette pièce met en scène deux personnages principaux, Malo et Rozenn, tous deux fiancés mais présentant chacun des blessures de la vie : des brûlures ayant déformé le visage du premier, et la maladie de la tuberculose pour la seconde. L’amour plus fort que la mort sera le seul moyen pour que les deux protagonistes puissent envisager un avenir malgré les
circonstances. La mère de Malo intervient aussi pour tenter de le raisonner et d’accepter l’amour que lui porte Rozenn malgré sa défiguration.
Cette pièce fut jouée « plusieurs fois » selon Pêr Denez et notamment au Bleun-Brug de Pont ’Abbé en 1933 où l’auteur tient le rôle de Malo, rôle qu’il prend en dernier recours, avec une
troupe d’acteur de Pont-l’Abbé. Il souhaitait d’ailleurs que les acteurs soient tous issus des
environs : « Ma vefe re ziaes kavout eun den yaouank evit c’hoari rol Malo, e c’hellfen e
c’hoari, evel d’eo bet kuzuliet d’in, koulskoude gwelloc’h e vefe ma c’hellfe beza c’hoariet gant
eun den eus ar vro. » “S’il était trop compliqué de trouver un jeune homme pour jouer le rôle de Malo, je pourrais le jouer, comme il me l’a été conseillé, il serait mieux cependant qu’il soit joué par une personne du pays.

Et cela afin qu’elle soit comprise le plus possible par l’assistance :
« Ceci me tenait à cœur car il y a trop eu déjà de pièces “littéraires” incomprises et
incompréhensibles par le peuple, parce qu’elles étaient jouées par des acteurs étrangers au
pays. » (Fonds Marc Le Berre, Archives Bleun-Brug, Bibliothèque bretonne de l’abbaye de Landevennec. Courrier du 27/07/1933)
La pièce est bien accueillie aussi bien par le public que par la presse. L’Ouest-Eclair
publie une critique le 7 septembre 1933 à la suite de la représentation de Pont-l’Abbé : « bien
des larmes ont coulé sous les hautes mitres bigoudennes ou même les yeux masculins. »
C’est à la fin de l’année 1932 que Xavier de Langlais fait part à Loeiz Herrieu d’une pièce de
théâtre qu’il a rédigée en vannetais (Fonds LH, CRBC Brest, 31C2257) : « Skriùet em es ur Peh Hoari é Brehoneg Guéned. Lakeit em es ennou ol me halon. »  « J’ai écrit une pièce de théâtre en breton de Vannes. J’y ai mis tout mon cœur. » Loeiz Herrieu lui répond indiquant être intéressé par cette pièce :
« Plijadur e hrehè dein lén hou péh-hoari en dez konzet dein anehon me heneil En Diberdér… »
Ainsi l’on apprend que Yves Le Diberder, fin connaisseur du dialecte de Vannes et collecteur, a
pu voir ou lire la pièce. Fut-elle jouée avant d’être éditée ? C’est possible. Deux mois plus tard,
Xavier de Langlais envoie la pièce à Loeiz Herrieu (Fonds LH, CRBC Brest, 31C2257) :
« E kasan deoh, hiniù er Peh-hoari hou poe kleùet konz anehou get en Diberder :“En
Diu Zrem”. Adskriùet é bet genein eùé é brehoneg K.LT. E tle bout embannet get
Gwalarn é Miz Imbrill hag eurus bras e vehen ma hellehé bout moulet eùé é
Guenedeg ar dro er mare sé. (E Miz Imbrill memb ma hellehe bout) Met de getan…
hag é plijo deoh ? Get kalz a blijadur é lennein er peh e skriùeèt dein diarben me
labour, lakeit em es ennou un tammig a me halon. Reiheit é bet aveit er peh e sèl
doh en doaré-skriù get Per Tanguy hag e zo bet fromet bras getou, ar er peh en des
skriùet dein. »
« Je vous envoie aujourd’hui la pièce de théâtre dont vous aviez entendu parler par Le Diberder :“En Diu Zrem”. Elle a été réécrite aussi par moi en KLT. Elle devrait être publiée dans Gwalarn au mois d’avril et je serais très heureux si elle pouvait être imprimée aussi en vannetais autour de cette période. (Si cela pouvait être même au mois d’avril). Mais d’abord, est-ce qu’elle vous plaira ? C’est avec beaucoup de plaisir que je lis ce que vous avez écrit à propos de mon travail, j’y ai mis un peu de mon cœur. Elle a été corrigée, en ce qui concerne
l’orthographe, par Pierre Tanguy qui a été rempli d’émotions en la lisant, selon ce qu’il m’a écrit. »
On apprend qu’elle a donc été corrigée une première fois par Pierre Tanguy, prêtre et
collaborateur de Dihunamb. Il émet aussi le souhait de voir cette pièce publiée par Dihunamb
au même moment que pour Gwalarn. Comme il l’écrit à Loeiz Herrieu (Fonds LH, CRBC Brest, 31C2257) : « Un inour bras é aveidonn guélet me hanù emesk ré skriùagnerion Dihunamb. Me e zalho !… » « C’est un grand honneur pour moi de voir mon nom parmi ceux des écrivains de Dihunamb. Je continuerai !… »
Cependant une autre correction apportée par Loeiz Herrieu nous renseigne sur la façon dont Xavier de Langlais a composé sa pièce. Il l’a envoyée à Loeiz Herrieu lui demandant des conseils sur différents points. Plusieurs feuillets nous montrent que Loeiz Herrieu a fait des commentaires sur dixneuf points différents (Fonds LH, CRBC Brest, 9C54). Les explications de Xavier de Langlais sur les points qui posaient questions à Loeiz Herrieu nous en apprennent davantage sur la manière dont il a rédigé cette pièce. Sur le côté « littéraire » de la langue utilisée il s’explique : « Je dis souvent sinon toujours, car si justes soient-elles j’ai préféré parfois, dans quelques rares cas, conserver une tournure peut-être moins populaire mais répondant mieux à ma pensée. Ne croyez pas surtout que j’ai eu le moindre parti pris vis à vis de moi-même. Seulement… Seulement il y a parfois des conflits délicats entre la forme et la pensée. »
Cette déclaration nous montre à quel point il prenait soin de peser les mots qu’il employait afin qu’ils répondent le mieux possible à ce qu’il veut exprimer. Tâche d’autant plus difficile pour lui qu’il ne maîtrise pas totalement la langue : « Certainement dans “mon breton” il y a des traces de la langue qui n’a pas été celle du cœur mais, hélas, celle du berceau. J’aurai toujours cette infériorité sur les Bretonnants de naissance. C’est un fait. » Il a donc parfaitement conscience de ses faiblesses. On trouve chez lui un désir de réconcilier les différents registres de la langue bretonne afin de pouvoir toucher le plus largement les bretonnants bien que ce ne soit pas chose aisée :
« D’autre part, même lorsque je n’aurai fait qu’employer des locutions populaires
que j’aurais notées, les vrais Bretonnants croiront toujours, pour peu que ces locutions soient peu connues, que c’est là du breton littéraire : ou Francisé ou… Trop breton pour être vrai ! »
Et il prend l’exemple d’une expression qu’il a collectée à Surzur :« Ainsi l’expression “En aùél hoari get é baotr” vous a paru suspecte ! De même pour “Deusto d’en héaul bout klanù e galon” etc etc. Alors que j’ai recueilli ces phrases de la bouche de Bretonnants d’un certain âge et ne sachant ni lire ni écrire. Je ne cite ces q.q exemples que pour vous préciser mon cas, qui est celui de tous ceux qui ont appris le breton sur le tard (je pense qu’en Vannetais peu ont dû
persévérer !) En m’attaquant à une pièce de théâtre je savais avec quelle inégalité d’armes j’entrerai dans l’arène. »
Ainsi on remarque qu’à la deuxième intervention du troisième dialogue, les deux expressions
sont bien modifiées selon les recommandations de Loeiz Herrieu alors que dans la version de
Gwalarn le « gant/get » de la première expression est bien gardé. On peut donc percevoir chez
lui un désir d’enrichir sa langue par le collectage auprès d’anciens. Il s’ancre ainsi un peu plus
dans son pays de Surzur tout en le mettant en avant dans ses écrits et ainsi donner leurs lettres de noblesse aux locutions de ses compatriotes. Par ailleurs, il ne va pas toujours suivre les recommandations de Loeiz Herrieu comme remplacer « Émen » par « Péleh » : « J’ai laissé
émen bien qu’“é pé leh” se rapproche plus du K.L.T. Cette élision du [E] dans « émen » se fait à Surzur. Elle a l’avantage pour l’oreille de raccourcir les syllabes d’une phrase qui ne saurait
être trop brève. » Fonds LH, CRBC Brest, 9C54
Ainsi il place ce qu’il a entendu à Surzur au-dessus des dires de Loeiz Herrieu en qui il reconnaît pourtant une référence bretonnante. Il n’est donc pas juste de dire
que son œuvre est d’« essence littéraire et non populaire. » (FAVEREAU (2003). p.432)
On le voit bien là, la base qu’il utilise est aussi bien le breton qu’il a appris à Paris que celui qu’il entend à Surzur.
Concernant l’orthographe elle-même, il se place déjà dans une position de vouloir les rapprocher entre elles le plus possible :
« Nous sommes bien d’accord chaque fois que la chose est possible il faut rapprocher les 2 groupes KLT et Vannetais. C’est déjà un succès qu’il n’y en ai plus que 2 ! Je remarque chaque jour que l’on a aggravé les différences dialectales par une langue écrite trop phonétique. Le grand écueil aussi réside dans le fait que personne ne possède à fond les 2 dialectes. Je m’empresse de dire que le Vannetais a fait des concessions, mais il est pénible de voir que certains mots pourraient se rapprocher beaucoup du dialecte d’en face et ont été outrés soit par ignorance soit par parti pris. Ceci pour les 2 dialectes et bien avant nous. Je prends un exemple

Miroir. KLT : Mellezour, Vannes : “Miloer” ! Or à Surzur on dit… : Melehouér ou
Melehouir. (si vous ne tenez pas à “Miloer” dans ma pièce, je n’y tiens pas non
plus).
Particule verbale.
KLT : a (sujet placé avant) Vannes : e. Surzur A. On dira me a huél et non mé e huél.
Etc.
KLT : Danvad. V : Pen deved. Surzur : Davad (Un Avad, un mouton) etc etc.
A côté de cela il y a évidemment beaucoup d’ivraie !
Je prêche un convaincu d’ailleurs puisque en vingt ans vous avez fait avec
Dihunamb le meilleur travail de rapprochement qui puisse être fait… »
Cette remarque nous montre bien à quel point Xavier de Langlais est attaché à ce rapprochement, d’autant plus qu’il s’aperçoit des limites d’une graphie vannetaise regroupant de multiples divergences de prononciations. Il pointe d’ailleurs un élément, celui de la phonétique en orthographe qui ne peut satisfaire personne puisque cette même orthographe englobe une multitude de prononciations différentes. Ainsi, on retrouve ici les prémices de son action qu’il entreprendra à partir de 1936 afin d’obtenir une seule orthographe pour la langue bretonne non dans un but de standardisation de la prononciation mais bien dans l’optique de pouvoir partager une littérature accessible à tous.
L’édition de 1944 en peurunvan reprend comme base la version publiée dans Gwalarn en y
adaptant la nouvelle graphie adoptée en 1941, signe de son désir de faire prospérer cette
nouvelle orthographe

Annexe(s) :

Couverture de la revue

1933 Gwalarn 54 – Couverture AN DIOU ZREMM

 


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