Les chemins de croix
Les chemins de croix dans l’œuvre de Xavier de Langlais (1906-1975).
L’avant guerre : de 1930 à 1939 a été, pour cet artiste, la période la plus féconde la plus novatrice, la plus vigoureuse, la plus personnelle de son œuvre religieuse. Stimulé par les commandes qui abondaient, il a su cependant se renouveler et exprimer ses sentiments à chaque fois d’une manière différente. Sa foi chrétienne, la profondeur de ses sentiments religieux se sont pleinement exprimés dans ce type de décoration.
Dans l’œuvre religieuse de Xavier de Langlais, la place de ses chemins de croix tient une place prépondérante, tant dans son œuvre personnelle que sur le plan de la Bretagne au XXème siècle. Il a réalisé neufs chemins de croix, ce qui le place en tête des peintres religieux de sa génération :
- Plounevez-Quintin (1931) Huile sur fibrociment
- Mérillac (1932) en LAP identique au suivant
- Pont-L’Abbé (1933) transféré à Combrit (chapelle de la clarté) en LAP
- Trémel(1934)
- La Baule (1935)
- Trézélan (1936)
- Lannion(1938)
- La Richardais (1955) en fresque
- Ploemeur (1959) en faience
Outre ces réalisations, il a conçu plusieurs autres projets qui n’ont pas été retenus : Saint Nicolas du Pelem, Corlay, La Baule pour l’église du Sacré Cœur – 1932/33 et enfin Sainte Anne d’Auray, le regret de sa vie.
Xavier de Langlais a réalisé le plus grand nombre de chemins de croix en Bretagne. Vient ensuite Louis Garin, avec trois chemins de croix et Maurice Denis qui n’en a réalisé qu’un seul en Bretagne, celui de la chapelle Notre-Dame de la Clarté à Perros-Guirec.
Ce qui fait la spécificité des chemins de croix de Xavier de Langlais par rapport à ses prédécesseurs, c’est la sobriété de leur interprétation. Le nombre de personnages figurant sur chaque station est limité au strict minimum. L’artiste ne retient que l’essentiel de ce qui fait son sujet. Volontairement, tous les personnages superflus ont été éliminés, ici pas de soldats belliqueux, pas de foule en délire, le Christ restant toujours le personnage central. Par contre, la sensibilité de l’artiste s’est davantage appliquée à faire ressortir les expressions souvent poignantes du Crucifié. C’est l’un des traits marquant de son œuvre religieuse. La foi chrétienne dont il était habité, transparaît dans toute son œuvre religieuse. Sentiment que l’on retrouve, sans doute sous d’autres formes, dans son œuvre profane empreinte également d’une certaine nostalgie, le regard de ces femmes toujours belles et pudiques est souvent teinté d’un brin de mélancolie, le côté mystique de mon père n’est pas loin. Toute son œuvre de jeunesse est marquée par son choix religieux, même lorsqu’il s’agit de la Bretagne, le côté spirituel reste très proche. Au début de sa carrière artistique, ses principales relations se trouvent dans le clergé, non pas parce que le clergé d’alors est à l’apogée de son influence, mais parce qu’il place sa foi chrétienne au premier plan de sa vie, son art est une sorte de sacerdoce. La flamme de sa jeunesse s’est exprimée avec force de très bonne heure, pratiquement dès sa sortie des Beaux Arts. Avant la guerre, il est en Bretagne un artiste reconnu, comme le prouve les nombreux articles très élogieux qui ont été écrits à son sujet dans la presse locale mais aussi dans la presse nationale, notamment au moment du projet du chemin de croix de la basilique de Sainte Anne d’Auray. L’Atelier Breton d’Art Chrétien a largement contribué à sa notoriété, son activité au sein des Seizh Breur également. L’exposition de 1937, qui aurait du être un triomphe, se traduit chez lui par une profonde déception, il ne partage pas le point de vue des organisateurs, fidèle à la ligne qu’il s’est fixé, il donnera sa démission et ne participera pas à l’exposition.
Comme je l’ai déjà dit, cette période de l’avant guerre sera pour le jeune artiste qu’il est encore, la période la plus fructueuse de sa carrière, la plus personnelle. Cette maudite guerre viendra casser son élan artistique, l’après guerre verra un autre Xavier de Langlais, plus apaisé, plus académique, plus conventionnel. De toute façon, c’était un inquiet, perpétuellement à la recherche de la perfection, son livre sur la technique de la peinture à l’huile en est la plus parfaite illustration. C’était un chercheur au sens large du mot…
RAPPEL HISTORIQUE SUR LES CHEMINS DE CROIX
Avant de commencer la présentation du chemin de croix de Xavier de Langlais, il n’est peut-être pas inutile de rappeler brièvement de quelles manières sont nés les chemin de croix qui ornent aujourd’hui nos églises. Cette dévotion est relativement récente cinq ou six siècles, tout au plus. Le nombre de stations a également varié dans le temps. Voyons ce qu’il en est : Ce sont les franciscains qui imaginèrent et diffusèrent au XIVème et XVème siècle la dévotion du chemin de croix. Gardiens des Lieux Saints depuis le XIVème siècle, à Jérusalem, ils dirigèrent les exercices spirituels des pèlerins empruntant le chemin suivi par le Christ, allant du tribunal de Pilate situé au bas de la ville et jusqu’au sommet du Golgotha, là où sera crucifié. Ils eurent l’idée de transposer cette forme de méditation sur la passion au cadre de la vie habituelle de l’ensemble des fidèles et ainsi permettre aux pauvres d’accomplir la même démarche que les pèlerins. Ils disposèrent dans les édifices religieux des tableaux, des statues marquant l’itinéraire du Christ vers le calvaire en faisant prier et méditer les fidèles à chacune des stations.
Il est facile de reconstituer la genèse du chemin de croix, grâce aux évangiles (Luc XXIII, 26 à 32), on sait que Simon de Cyrène avait été requis pour aider Jésus à porter sa croix. On en a conclu que le Christ avait dû tomber sous le fardeau de sa croix qui outrepassait ses forces, non pas une fois, mais plusieurs. Le rôle joué par le théâtre des mystères au Moyen Age dans l’histoire de la passion est intéressant quand on connaît sa popularité et l’enrichissement du répertoire de l’iconographie médiévale. En effet si la douloureuse ascension du Christ a été scandée par les stations, les haltes furent mises en scène par le théâtre des mystères qui introduit l’épisode de sainte « Véronique », sainte fictive sortie de l’imagination populaire.
Les premiers chemins de croix ne comportaient que 7 stations, mais leur nombre varia jusqu’au 18ème siècle au cours duquel leur nombre fut fixé à 14 par les papes Clément XII et Benoît XIV qui donnèrent au chemin de croix la chronologie qui nous est familière aujourd’hui.