Xavier de Langlais – Ecrivain en breton
C’est peut-être l’aspect le plus visible du lien que pouvait entretenir Xavier de Langlais avec la langue bretonne. Son œuvre littéraire est connue et reconnue en Bretagne comme faisant partie du paysage de la littérature bretonne de référence. Certains le considèrent comme un pionnier d’une littérature classique en Bretagne (347), d’autres comme un militant de l’expression littéraire en breton (348).
Son œuvre éditée en langue bretonne comporte une diversité notable de productions : romans, pièces de théâtre, nouvelles, poésies sont autant de formats littéraires utilisés par Xavier de Langlais pour y exprimer sa vision du monde et son attachement à sa langue et l’univers qui l’entoure.
Concernant l’aspect de son œuvre littéraire en breton, peu d’études ont à ce jour traité en
profondeur de la question de Xavier de Langlais écrivain. Nous pouvons cependant citer celle
tout à fait intéressante d’Erwan Hupel (347) ou bien celle non moins intéressante de Pêr Denez (348)
Il est intéressant de se pencher sur ce qu’il a publié afin de comprendre l’influence qu’a pu avoir son parcours de néo-bretonnant, de collecteur, de militant et d’artiste sur son œuvre littéraire.
D’autant plus qu’une partie non négligeable est restée à ce jour inédite. On trouve dans ses
archives de nombreuses poésies, des synopsis de nouvelles ou encore des pièces de théâtre
entières ou sous forme d’ébauches.
L’édition d’une œuvre, quelle qu’elle soit, est un acte fort. Il s’agit de rendre publique une
intimité. Ce que l’auteur couche sur le papier émane directement de sa vision du monde, de ses idées, de ses recherches, de son imagination.
Les poésies
Xavier de Langlais commença par publier de la poésie. C’est dans la revue Gwalarn, revue
littéraire dirigée par Roparz Hemon utilisant l’écriture K.L.T. et créée en 1925 qu’il publie son
premier poème. Il paraît assez logique qu’il publie ses premiers écrits dans la revue utilisant le
breton qu’il a appris à la Sorbonne à la fin des années 1920.
1 Kerz ! (1930)
En octobre 1930, Xavier de Langlais a déjà écrit son futur recueil Kanou en noz. Mais seul un
poème est publié : Kerz ! (« Marche ! », Gwalarn n°23, 10/1930, p.12)
2 Kanou en noz (1932)
Kanou en noz (Chants dans la nuit) illustrations XL. Poésies. 1932, Éditions Gwalarn.
– 3 Bleuniou en nevez (1934)
Un dernier poème a été publié dans Gwalarn deux ans plus tard en 1934 : Bleuniou Nevez.
4 Inizi ar Yaouankiz (1936)
Inizi ar Yaouankiz “Les îles de la jeunesse” est un poème publié dans la revue « Synthèse » en juillet 1936.
Une gravure a été prévue pour accompagner le poème mais n’a pas été imprimée
5 Bemdeiz an Heol… (1948)
Cette dernière poésie se distingue de par sa nature. En effet, elle est présentée dans la revue Al Liamm en tant que chanson. Elle fut donc composée pour le premier Kamp Etrekeltiek Ar Vrezhonegerien, le Camp des bretonnants.
Les pièces de théâtre
Le théâtre en langue bretonne, remontant au XVè siècle et sans doute même au-delà, a pour
ainsi dire, toujours fait partie du paysage littéraire et artistique bretonnant. Théâtre faisant
intervenir des thèmes allant du religieux par ses mystères au profane, il connut par moment de grands succès mais fut parfois interdit par les autorités religieuses. Il se développa dans toute la Bretagne bretonnante et resta bien vivant jusqu’à aujourd’hui. Plusieurs personnalités se sont penchées sur ce sujet telles que Théodore Hersart de la Villemarqué (1865),( pp. XIII-CXXXV), Pierre Le Goff (1911) ou encore Anatole Le Braz (1905). Des études plus récentes ont permis de compléter voire de contredire certaines affirmations de ces derniers. L’étude de Gwennole Le Menn (1983) permet de mieux comprendre toute l’étendue du sujet.
On ne peut dissocier l‘œuvre théâtrale de Xavier de Langlais de sa poésie. En effet, sur les trois
pièces éditées à ce jour, deux sont écrites en prenant une forme poétique, s’inscrivant ainsi dans l’héritage des anciens mystères bretons, eux aussi rédigés sous formes de vers.
C’est d’ailleurs celles-ci qu’il a souhaité voir publier ensemble dans un numéro d’Al liamm selon Ronan Huon (1975) p.245 : « A-hend-all me ‘garfe embann un doare barzhoneg am eus skrivet pell zo, hag am eus echuet en deizioù-mañ diwar-benn ar Gelted Sul Fask ar Gelted e anv emichañs. Va c’hoant a vije moulañ anezhañ war un dro gant Koroll ar Vuhez hag ar Marv bet embannet gwechall gant Sav, e-korf ar gelaouenn hepken. »
1 An diou zremm / En diù Zrem (1933)
An diou zremm (Les deux visages).
Pièce de théâtre. 1933, Éditions Gwalarn (KLT) et Diunham (G) et 1943, Éditions Skridou Breizh (peurunvan)
2 Koroll ar Marv hag ar Vuhez (1938)
– Koroll ar marv hag ar vuhez (La danse de la vie et de la mort) 1937, Éditions SAV. Et An Here 2002, théâtre, musique de Georges Arnoux.
3 Sul Fask ar Gelted (1975)
La troisième et dernière pièce éditée à ce jour est Sul Fask ar Gelted ( Le Dimanche de Pâques des Celtes). Elle a été éditée dans le numéro hommage d’Al liamm en 1975 avec Koroll ar Marv hag ar Vuhez selon le souhait de Xavier de Langlais.
4 An Tamall (non publiée)
An Tamall (le reproche) est une pièce de théâtre que Xavier de Langlais finit d’écrire en juillet 1938. Elle est jouée au Bleun-Brug de Lannion à deux reprises, les 4 et 5 septembre 1938. (Feiz-ha-Breiz, 10/1938, p.219)
Les pièces de théâtre de Xavier de Langlais sont intimement liées à ses poésies. Un lyrisme
certain s’y dégage, bien souvent soutenu par les thèmes antiques, philosophiques, spirituels et
allant au-delà de la simple représentation de la réalité. Mais ces thèmes ne sont pas les seuls
qu’il ait traités, en témoigne sa pièce inédite An Tamall développée plus loin. Ainsi, au regard
de ses écrits, cette forme littéraire scénique est un moyen pour lui d’enseigner et transmettre sa vision du monde plus que de divertir.
Les nouvelles
Le genre de la nouvelle fait partie de l’œuvre de Xavier de Langlais. Cet aspect est moins connu car ses publications sont peu nombreuses au regard d’autres genres qu’il a pu travailler comme la poésie. Mais il mérite cependant une attention particulière de par leurs qualités narratives mais aussi leurs thématiques choisies.
La littérature bretonne compte dans son répertoire bon nombre de nouvelles. Ces courts romans utilisant bien souvent des situations réalistes empreintes parfois d’irréalisme et présentant une construction travaillée, dramatique ou humoristique, sont aujourd’hui monnaie courante dans la littérature bretonne contemporaine, en atteste les productions de Daniel Doujet, David Ar Gall ou encore Annie Coz. À l’époque des revues littéraires bretonnes du XXe siècle, il n’est pas rare non plus d’en lire. Le format court des revues s’y prêtant bien. Format que Xavier de Langlais a donc utilisé. Il s’est essayé à cet exercice à cinq reprises, dans, Dihunamb, Kened ( Kened est une revue créée en 1946 par Pêr Denez et Arzel Even. Elle ne publie que deux numéros avant de fusionner avec Al Liamm), Ar Vretoned dre ar bed et Arvor
1 Er Houfr ! (1932) le coffre !
Sa première nouvelle, Er Houfr ! est publiée dans Dihunamb en août 1932. Elle sort un mois
après son recueil de poèmes Kanou en noz.
2 Er uir Iouankiz (1938)
Er uir iouankiz (La vraie jeunesse ) est la deuxième nouvelle parue dans Dihunamb.
3 Er Foet de Duemmein (1941)
Er Foet de Duemmein (Le fouet à chauffer) est une petite histoire publiée dans la revue Arvor le 12 janvier 1941.
4 Jobig hag e gazh (1946)
La nouvelle “Jobig hag e gazh” (Petit Job et son chat ) a été publiée dans Kened en août 1946.
5 Butun er merhed (1946)
Butun er merhed (Le tabac des filles) est une petite histoire s’apparentant plus à un conte, publiée dans Ar Vretoned dre ar bed le 1er mars 1946.
L’essai artistique
Ene al linennoù, (L’esprit des lignes) 1942
– Ene al linennoù, (L’esprit des lignes) 1942, Éditions Skridoù Breizh, écrit et illustré par Langleiz.
Les chroniques
Ar Seiz(h) Avel (1941)
Xavier de Langlais va, pendant la seconde guerre mondiale, s’essayer à un nouvel exercice
littéraire, la chronique humoristique, engagée, culturelle. C’est ainsi qu’il va prendre part à la
rubrique en langue bretonne dans le quotidien La Bretagne : « Ar Seiz(h) Avel ».
Le roman
Le roman est un genre que Xavier de Langlais s’est approprié après avoir écumé les autres
genres littéraires. On s’aperçoit qu’il considère à cette époque que le roman est trop « long pour le moment ». C’est donc peut-être par manque de temps ou par manque de maîtrise de la langue qu’il ne souhaite pas écrire de roman. Mais il a déjà bien dans l’idée d’en écrire. Et son premier roman va marquer la littérature bretonne, tout comme Ene al Linennoù, par son caractère original.
1 Enez ar Rod (Île sous cloche), (1943-49)
Enez ar Rod (Île sous cloche), écrit en 1940 et détruit à l’imprimerie par les bombardements de 1943, il sera imprimé en 1949, Éditions Ar Balb. Son premier roman est d’un genre nouveau en breton : roman d’anticipation.
et 2000, Éditions Mouladurioù Hor Yezh.
2 Tristan hag Izold diwae un doidigezh ( 1958)
Tristan hag Izold diwae un doidigezh, 1958, Éditions Al Liamm. La version bretonne de l’histoire de Tristan et Iseult vient ouvrir une nouvelle période dans les écrits de Xavier de Langlais, celle de la réécriture de la matière de Bretagne.
3 Romant ar roue Arzhur (1975)
Romant ar roue Arzhur : Marzhin, 1975, Éditions Al Liamm.
L’œuvre inédite
L’œuvre littéraire de Xavier de Langlais est restée inachevée comme en témoigne sa traduction partielle du Roman du roi Arthur. Cependant, un dossier comprenant toutes sortes de documents littéraires inédits, des notes, des œuvres abouties et d’autres à l’état d’ébauche, est présent dans ses archives personnelles. Il est intéressant de s’y pencher et d’en faire l’inventaire afin de préciser et compléter l’œuvre littéraire en breton de Xavier de Langlais.
1 Nouvelle et contes
Glenn Gouthe dans sa thèse en 2021 analyse et retrouve 4 contes ou nouvelles assez travaillées. A lire dans sa thèse : Glenn Gouthe thèse 2021
2 Pièce de théâtre : An Tamall
3 Théatre, chansons et poésies
non détaillées ici une douzaine de documents manuscrits ou tapuscrits annotés.
Conclusion
Xavier de Langlais était un écrivain de langue bretonne et pour la langue bretonne. Comme en
témoigne son œuvre littéraire, bien qu’inachevée, c’est à la langue bretonne qu’il a voué le plus clair de son temps réservé à sa littérature. Et les fois où ce ne fut pas d’abord pour la langue bretonne, ce fut pour la matière de Bretagne, l’art ou la culture.
Il a dédié une partie de sa vie à écrire dans sa langue de cœur. Et ceci, en parallèle d’une œuvre artistique picturale foisonnante, de la rédaction de son traité La technique de la peinture à l’huile, de sa famille, et du professorat à l’école des Beaux-Arts de Rennes qui lui prenaient la majeure partie de son temps.
Mais au-delà de faire vivre la langue bretonne dans des registres littéraires différents, ce sont
des idées et des sentiments qu’il a voulu transmettre par ses écrits. De Kanou en noz et le travail de versification pour exprimer ses questionnements existentiels de jeunesse à Tristan hag Izold faisant un peu plus entrer la matière de Bretagne dans la littérature de langue bretonne en passant par Ene al linennoù, une recherche philosophico-artistique et Enez ar Rod, où l’âme triomphe de la science irréfléchie, sans oublier la langue « vivante » populaire dans ses chroniques, l’œuvre littéraire en langue bretonne de Xavier de Langlais est véritablement diverse et unique.
Cette recherche d’une langue en phase avec les idées modernistes de Gwalarn et d’un breton
dit « littéraire » ne s’est jamais coupée du breton populaire, celui de la campagne de Surzur,
celui de son pays. C’est peut-être finalement là que réside le fond de son œuvre, de partir de sa singularité bretonne pour rejoindre l’universel humain