1932 GWALARN 39-40 KANOU EN NOZ

Titre : Gwalarn 39-40 (GWA)

Édition : Gwalarn (GWA)

Auteur : Xavier de langlais

Illustrateur : Xavier DE LANGLAIS

Type de publication : Revues et journaux (RJ)

Type d’édition : Edition originale (EO)

Langue : Ecrits en Breton

Année de publication : 1932 Février/Mars

Numéro dans la collection : 39/40

Dimensions : 115×150

Nombre de pages : 72

Synopsis : Numéro double 39-40 contenant uniquement « Kanou en Noz »de Xavier de Langlais illustré de 22 de ses dessins. Une édition sur beau papier tirée à 66 exemplaires sera réalisée en parallèle .15 de ces 66 exemplaires contiendront la reprise de 2 ( numéro 2 à 6) ou 1(numéro 7 à 16) dessins en fin de volume.

Nombre d’illustration(s) : 22

1930 Kerz ! premier poème publié de Xavier de Langlais – Gwalarn 23

Code XL : RJ-GWA-39-40-EO

Ecrit d’artiste :

Dans une lettre écrite a son ami Xavier Haas il écrit le 14/2/1932 : Enfin un spécimen de souscription de mon livre. J’attends d’un jour à l’autre cette fois mes livres tirés à part ayant reçu ce matin “Kanou er Noz” sous la forme de la revue Gwalarn. Aussitôt reçus je t’en expédie un pour toi, dédicacé naturellement. Tu seras bien gentil de me dire combien tu en voudras ensuite.

A feuilleter mon livre imprimé, je me rends compte de ce qui lui manque pour être parfait: Il renferme des gravures d’époque différentes, donc plus ou moins habiles, bien quelles soient toutes, je crois, très apparentées d’inspiration; ensuite et surtout ces gravures ont été faites sans penser qu’elles pourraient être réunies un jour dans le format de Gwalarn. Elles n’ont donc pas d’unité de dimensions. J’espère cependant, étant donné le soin que j’ai pris ensuite à composer la mise en page de chaque feuille, que les défauts que je luis sais ne crèvent pas trop les yeux. Je ferais mieux.. la prochaine fois…..

Fiche de consolation: mon livre paraîtra dans une vingtaine de jours. Pourvu que l’impression soit bonne. Ce serait une autre histoire. Tu ne t’imagine pas combien de lettres j’ai écrite à l’imprimeur. 3 lettres dont une recommandée (+ 2 coups de téléphone) pour avoir deux réponses, et encore deux réponses insuffisantes.  Il aurait, cette fois, presque raison.
Je te quitte pour écrire des adresses. J’ai 15000 spécimens à expédier pour mon livre. C’est un effroyable travail. Annick et mon père m’aident heureusement.

23/2/1932  Mon bouquin m’a valu des lettres de celtisants en vue, lettres des plus encourageantes souhaitant que je ne reste pas sur ce “succès” car c’en est un.

Etude dans la thèse de Glenn Gouthe  parue en 2021  :

Kanou en noz est un recueil publié dans deux numéros conjoints de Gwalarn ainsi qu’un tiré à part. Une particularité notable qui rend ses deux numéros différents des autres est la gravure de l’auteur en couverture.  C’est la première œuvre littéraire complète réalisée en breton de la part du jeune bretonnant. Sa maîtrise de la langue encore hésitante l’amène à demander de l’aide à Roparz Hemon pour une relecture attentive. (Annexe VI, lettre du 21/08/1930)

Ce recueil est composé de dix-neuf poèmes en breton (La réédition de 2019 inclut des traductions inédites en français de six poèmes faites par l’auteur.) . La graphie utilisée est celle de Gwalarn, c’est à dire l’écriture dite « unvan » ou « unifiée » réunissant les écritures de Cornouaille, Trégor et Léon (À noter que la réédition de 2019 est rédigée en peurunvan.) La mort, la vie, l’espoir, la beauté, la souffrance, l’amour, le rêve, la nature sont autant de thèmes abordés par Xavier de Langlais.
Ces thèmes rejoignent ses sentiments profonds, ses questionnements, sa vision du monde qui
parsèment son œuvre artistique toute entière. Cependant, les poèmes de Kanou en noz montrent une certaine obscurité globale, aussi bien dans le traitement de ses thématiques que par les gravures qui les accompagnent. Mais cette obscurité présente permet une mise en valeur plus importante des rayons d’espoirs qui la transperce :

Va dor zo digoret bremañ,
Ne c’hellan ket hec’h adserri,
Deiz ha noz digoret e vo.
Ne vern ma c’houzañv va c’hig paour,
Ha ma krenan, riou gant ar goañv,
Kalz ne vern ma leñvan bremañ,
‘M’eus digoret va dor d’an deiz,
ha digoret ivez d’an noz
D’ar grizilh gwenn ‘vel d’an heol ruz.
Digoret em eus da’m anoued
Ha d’an erc’h a ya war e lerc’h.
D’ar glao, d’ar reo, d’an avel c’haro.
M’eus digoret d’an deñvalded,
d’ar c’hañv kalon.
Kollet e oan em yaouankiz
Gant va huñvre leun a zouster,
Me ‘huñvree, pebez dihun !
Ar goanag a skoe ouz va Dor,
M’eus digoret leun a zudi.
‘M’eus digoret, Tristidigez !
D’ar wir vuhez.

Cet extrait du poème Dor ar vuhez (La porte de la vie) présente plusieurs éléments permettant de comprendre quelles sont les influences de Xavier de Langlais dans sa rédaction mais aussi le style qu’il veut donner à ses poésies. Un mot de vocabulaire présent ici montre son influence vannetaise :  Goanag = Espérance, espoir. Mot utilisé par Yann-Ber Kalloc’h/Jean-Pierre Calloc’h, auteur d’Ar en deulin, ouvrage considéré alors comme une pièce maîtresse de la versification classique vannetaise. Cet archaïsme vannetais est aussi présent dans le
Catholicon de Jehan Lagadeuc. Ailleurs, spi ou esper est préféré.
Concernant la construction, les rimes externes ne présentent pas une forme classique par deux ou croisées par exemple. Xavier de Langlais s’affranchit de ces règles et préfère s’essayer à redonner vie aux rimes internes, technique traditionnelle de la versification bretonne. Les strophes parfois classiques, n’hésitent pas à en sortir. Les différentes poésies présentent des
structures strophiques parfois éclatées comme dans Kerz !, poème qui vient conclure le recueil,
parfois restant dans un même format tout du long comme dans An ebeulig gwenn. La
construction se ressent musicale, avec des respirations, des accélérations et des rythmes
différents. Il s’émancipe véritablement des carcans d’une poésie plus classique telle que celle
de Jean Pierre Calloc’h. Youenn Olier souligne cette musicalité.

Quoiqu’il en soit, ce premier recueil ne laissa pas insensible les lecteurs. Loeiz Herrieu en fait
une critique le mois suivant dans Dihunamb, n°250, 04/1932, p.54-55.: « Ret e dein anzaù de getan pen é ma kaer chonjeu en obérour, kaer bras lod anehè. Aùen ha furnéh e zo én é gañneu filozofiek : ur barh é.« Je dois tout d’abord admettre que les idées de l’auteur sont belles, très belles pour certaines. Il y a de l’inspiration et de la sagesse dans ses chants philosophiques : c’est un barde. » »

Xavier de Langlais est adoubé par le « Barde laboureur ». Il le fait ainsi entrer dans le
cercle des compositeurs de poètes reconnus. Il lui fait d’ailleurs un portrait intéressant au début de sa critique, le considérant comme de l’école de Gwalarn, nom donné aux auteurs collaborant à la revue de Roparz Hemon, « deusto dehon bout guénedour. »« Bien qu’il soit Vannetais » Ainsi dès les premiers écrits publiés par Xavier de Langlais, une certaine forme d’universalisme de la langue bretonne transparaît à travers sa personne. Cet auteur écrivant dans un breton littéraire a priori loin d’une forme vannetaise populaire liée à un village du Haut-Vannetais, montre dès ses premiers vers que la langue bretonne est une malgré les graphies différentes. Loeiz Herrieu fait remarquer d’ailleurs cet aspect : « Kement-sé erhat e zo abek dehon keijein liés girieu a Uéned get é vréhoneg K.L.T. Met an dra-sé eùé e zo abek ne gavér ket kalz én é livr a hirieu, a droienneu poblek hag e zo ken huek de skoharn ur brehonegour a vihañnik. » ” C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il mêle souvent les mots de Vannes à son breton K.L.T. Mais c’est aussi la raison pour laquelle on ne trouve pas beaucoup dans son livre, de mots, d’expressions populaires si délicates à l’oreille d’un bretonnant de naissance. »

Cette dernière remarque est d’ailleurs le principal reproche que Loeiz Herrieu lui fait : « si brasan en obér-men e zo marsé bout rè és de droein é galleg. » « Le plus grand défaut de cette œuvre est peut-être qu’elle est trop facile à traduire en français »
Mais ce reproche est directement lié à la jeunesse de Xavier de Langlais dans l’utilisation de la langue bretonne, ce que Loeiz Herrieu fait aussi remarquer au début de sa critique : « Hur hanlabourér X. de Langlais e zo ag er midad tuchentil iouank deit d’er brehoneg arlerh er brezél. » « Notre collaborateur X. de Langlais est de cette génération de jeunes gentilshommes venus au breton après la guerre. »
Xavier de Langlais est en effet l’un des rares à collaborer aux deux revues littéraires les plus influentes du monde bretonnant : Gwalarn et Dihunamb. Bien qu’il n’ait pas encore publié dans la revue vannetaise, il y a illustré la couverture depuis janvier 1929.
Concernant la structure, Loeiz Herrieu regrette que les rimes externes soient inexistantes : « Met é huerzenneu digampouiz ha hemb koltenneu (rimes) ne blijeint ket d’en ol. Ne gañnant ket d’er skoharn a p’ou lenér. […] A dural, Bleimor en des diskoeit é hellér lakat kan ha nerh é
guerzenneu kampouizet mat. » La comparaison avec Jean-Pierre Calloc’h est ici tout à fait compréhensible de la part de Loeiz Herrieu puisque lui-même s’inscrit dans une certaine forme de classicisme dans la versification.

Et il s’interroge sur la noirceur de ses écrits, noirceur trop exacerbée selon l’avis de plusieurs
lecteurs : « Re zu, e soñje meur a unan. Kalz a velkoni, ha nebeut a levenez. Pe anken a grigne
e galon ? Un darvoud kevrinus en e vuhez ? Ne gredan ket. Pezh a skeudenne oa ar stourm, ar
striv spontus davet ar gened, a zo kalvar ha merzherinti an arzour. »
« Trop noir, pensait plus d’un. Beaucoup de mélancolie et peu de joie. Quelle peine lui rongeait le cœur ? Un évènement mystérieux dans sa vie ? Je ne pense pas. Ce qu’il exprimait était la lutte, le terrible effort vers la beauté, qui est le calvaire et le supplice de l’artiste. »
Alors que Roparz Hemon y voit une quête désespérée de la beauté, Erwan Hupel y voit plus une « quête difficile d’un syncrétisme entre une culture française personnelle et une culture littéraire bretonne redécouverte. »
Et il prend pour exemple le premier poème du recueil Perak ? Pourquoi ?  qui cherche
à donner « un sens à sa démarche ».
Un troisième avis (LE FLOC’H (1975), celui de Maodez Glanndour (Louis Le Floc’h de son nom civil, prêtre et écrivain du Trégor qui participa avec Xavier de Langlais à la réflexion autour de l’unification du breton écrit.), décrit ce recueil par une étude approfondie des textes présents dans Kanou en noz. Il y voit le poids de l’influence de Jean-Pierre Calloc’h : « Diaes e oa morvat d’an oberour, hag eñ Gwenedour ivez, en em zistagañ diouzh levezon
Kalloc’h, bepred en he c’hreñvañ. » « Il était difficile pour l’auteur, Vannetais au demeurant, de se détacher de l’influence toujours aussi forte de Calloc’h. »
Mais ce qui se dégage de ces poèmes selon lui, est la profondeur de la réflexion : « Sklaer e oa din koulskoude kement-mañ : gouzout a rae Langleiz lakaat dindan skeudennoù kaer hag a-benn ar fin didroidell ha splann, ar soñjoù skoempañ, eu ur zizoleiñ d’hon daoulagad broioù dianavetañ hon ene. » « Ceci était cependant clair pour moi : Langleiz savait exprimer via de belles images et finalement sincèrement et clairement, les pensées les plus subtiles, en découvrant devant nos yeux les contrées les moins connues de notre âme. »
Il décrit aussi la différence qui l’avait marqué entre l’auteur et ses écrits lorsqu’il le rencontra quelques années plus tard :
« Diwezhatoc’h em eus goulennet ouzhin va-unan penaos un den hag a veze bepred ken seven, ha muioc’h eget se, bepred hegarat, seder, kalonek, a c’helle war un dro mirout ennañ ur seurt doan. Ar feuteun dianav e kalon an arzour eo ar gouli-se, digor. »

« Plus tard, je me suis demandé à moi-même comment une personne qui était si polie, et plus encore, toujours aimable, joyeuse, chaleureuse, pouvait en même temps garder en elle une telle peine. Cette plaie, ouverte, est la fontaine inconnue dans le cœur de l’artiste. »

Ainsi, dans Kanou en noz, on découvre la réflexion profonde de Xavier de Langlais, sa quête
de réponses à des interrogations de jeunesse mêlant philosophie, identité, introspection et
spiritualité. Il avait d’ailleurs prévu une réédition, à l’instigation de son ami Robert Le Masson,
avec une traduction française qu’il n’a pu terminer. Les quelques traductions déjà faites de six
des poèmes de Kanou en noz ont été inclus dans une réédition en 2019 . Une traduction déjà
publiée n’y est cependant pas présente, celle de Ar Goell. Celle-ci a été publiée dans la revue
Poésie en août 1934. Mais ce ne sont pas seulement des traductions, on y découvre une réelle
réinterprétation de ses poèmes afin qu’ils puissent sonner en français comme ils sonnent en
breton. Ainsi, sa traduction du premier poème Perak ? nous donne de nombreuses indications
sur les adaptations qu’il effectue et le sens parfois différent d’un même mot :

PERAK KANA
E NOZ TENVAL
AN DOUAR DICHAL
BOUZAR HA DALL ?

Ma ne vern d’an douar va c’han dizudi,
Ne vern d’am c’halon c’hoarzou kriz an douar.
Ne vern e c’hoapou, ne vern e zidrouz,
Rak kanet em eus evit frealzi
Ar re a c’houzañv gant kozni ar bed,
Ha ‘vit dasorc’hi o C’hoant a Gened.

Pourquoi ma voix
Dans la nuit morne
Du monde rogue,
Aveugle et froid ?

Si la terre est sourde à ma voix sans joie,
Qu’importe à mon cœur son silence hostile,
Qu’importent son rire et ses moqueries
Car je n’ai chanté que pour émouvoir
Ceux que désespère un monde vétuste
Et ressusciter leur Vœu de Beauté.

Il traduit :
• le verbe « Kana(ñ)/Chanter » par « ma voix »
• « Bouzar ha dall/Sourd et aveugle » par « Aveugle et froid »
• « va c’han dizudi/Mon chant sans intérêt » par « Ma voix sans joie »
Mais :
• « kanet » par « chanté »
Ainsi on remarque :
• Une composition allant plus loin que la simple traduction.
Une réinterprétation de ce qu’il a voulu transmettre en
quelque sorte.
• Le sens du mot « Kan » pouvant être aussi bien « Chant »
que « Voix ». Le titre en français de l’œuvre étant « Des
chants dans la nuit » selon ses propres archives.

Par la suite, son poème « Ar feunteun zon », est publié à nouveau,
mais cette fois-ci en écriture peurunvan dans un numéro spécial d’Al Liamm en 1953 regroupant cent poésies en langue bretonne.

 

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