ENE AL LINENNOU

EDITEUR : SKIDOU BREIZ à Brest 
PUBLIE EN  : 1942
AUTEUR  : Xavier DE LANGLAIS
ILLUSTRATEUR  : Xavier DE LANGLAIS
code GW  : RB-SKB-EO
 format : 19*24
SYNOPSIS  : ENE AL LINENNOU se traduit par “l’âme des lignes”. Il s’agit d’une étude sur le graphisme. A la fin de l’ouvrage se trouve une traduction en français.
Illustrations originales : 30 environ
Couverture en bichromie et illustrations interieures en noir
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ENE AL LINENNOU 1942 P 20ENE AL LINENNOU 1942 P 28
Réf édition suivante :  réédition 2011

 

Il écrit dans son journal :

22/04/1933

Matinée à Vannes. J’espérais travailler l’après-midi, en vain, la venue de L, m’en a empêché, journée creuse.

Dans la soirée j’ai médité quelques points de mon projet sur le traité sur les “Lignes”.

D’abord la question d’un titre, puisque maintenant les choses sont assez avancées pour que je sache sous quel signe les placer. Sans doute m’arrêterai-je à “Ene al linennou”. Ce titre rend très exactement ma pensée sous sa forme Celtique. La traduction française le trahi . On a trop galvaudé le mot “Ame”; “l’Ame des lignes” à quelque chose de plus recherché dans la version française. Quelque chose peut-être de ce lyrisme facile dont je redoute la moindre trace.

 Thèse Glenn Gouthe  en 2021

Ene al Linennoù est un ouvrage à part dans la littérature bretonne. Il est présenté dans la brochure publicitaire annonçant sa sortie comme un « Essai sur le symbolisme des lignes ». Est-ce un ouvrage de littérature ? Un manuel technique ? Une réflexion philosophique sur l’art ? C’est un peu tout ça à la fois.

Dans la préface, Xavier de Langlais écrit en tout premier : « D’ar re all da sevel ul levr Aozerezh
arz. » « Que d’autres écrivent un “Traité de la composition” ! » (Traduction de l’auteur)

Ainsi il avertit dès le début que cela reste sa propre interprétation de la représentation des lignes dans l’art : « Ne fell ket din diazezañ va c’hastell iskis war zouaroù ar re all : klask a rin, kentoc’h, va danvez endro din va unan, hag ennon… mar gellan ! »
« Je ne veux pas baser mon étrange château sur les terres des autres : je chercherai, plutôt, ma matière autour de moi seul, et en moi… si je peux ! »

Son essai comporte deux parties majeures : son étude sur les lignes et leurs fonctions, ce
qu’elles veulent dire, leurs traductions puis une postface sur le nombre d’or. Une traduction
française résumée de l’auteur se trouve à la fin de l’ouvrage. Il se trouve qu’Ene al linennoù fait partie de ces tout premiers ouvrages utilisant la nouvelle orthographe peurunvan nouvellement instaurée, ce qui n’était pas censé être le cas.
En effet, Xavier de Langlais travaille sur cet ouvrage depuis 1936. La première occurrence
dans son journal date du 1er octobre 1936 où il développe l’importance qu’a pour lui le nombre d’or et la recherche des lignes. À la fin de l’année 1936, il travaille sur les gravures. Il fait relire son texte à Youenn Drezen puis l’envoie à Loeiz Herrieu début 1937 : « Trugéré diaraok aveit “Ene al linennou”. Lennet é bet dija get en Drezen en doè laret d’ein n’en doè fari erbet em skrid é kevér er ieh. Treu zou e hellehé bout laret en un doeré biùoh neoah, ar gredan… »  « Merci d’avance pour “Ene al linennou”. Il a déjà été lu par Youenn Drezen qui m’a dit qu’il n’y avait pas d’erreurs dans mon écrit pour ce qui est de la langue. Certaines choses pourraient cependant être dites d’une manière plus vivante, je crois… »
Ainsi, on voit qu’il n’hésite pas à se faire relire comme il a pu le faire auparavant et qu’il cherche à améliorer sa rédaction afin de rendre la langue utilisée toujours plus proche du breton « vivant », sous-entendu par-là « populaire ». Loeiz Herrieu va d’ailleurs lui faire de
nombreuses recommandations dont Xavier de Langlais va finalement peu tenir compte. Il va
aussi demander un peu plus tard l’avis de Pierre Bourdellès : « Bennoz Doue d’eoc’h a greiz
kalon evit hoc’h aliou fur a-zivout “Ene al linennou”… »

Dès 1937, Xavier de Langlais écrit dans son journal que son « “âmes des lignes” est là prête à
être imprimée » Il confie le manuscrit à François Debauvais pour qu’il le transmette à
l’Imprimerie Centrale de Rennes mais des retards commencent à se profiler : « C’est au Bleun
Brug de Plougastell que j’ai remis mon manuscrit à Mr Debauvais. Il y a plus d’un an par
conséquent. Vous le devinez si désireux que je sois de traiter avec l’Imprimerie Centrale, qui
avait fort bien édité “Kannou [sic] en Noz”, je ne puis attendre davantage. »  Il va même
jusqu’à menacer de changer d’imprimeur : « C’est jusqu’ici le livre le mieux illustré et le plus abondamment illustré pour un texte breton. Il doit se vendre. Voulez-vous l’éditer en me retournant simplement un pourcentage de droit d’auteur par exemplaire vendu ? Si oui daignez me le dire de suite, si non veuillez avoir l’amabilité de ne me retourner mon manuscrit et illustrations d’ici la fin de la semaine. »
Il poursuit en précisant qu’il a une autre solution : « La Revue “War du ar Pal”  (Revue créée par les frères Delaporte dont Raymond que connaît bien Xavier de Langlais) m’a en effet
proposé de publier mon manuscrit par fragments puis de l’éditer en livre. » L’imprimeur se
montre alors désireux de poursuivre leur collaboration. Xavier de Langlais envoie une nouvelle
version de son manuscrit début février 1939 : « Je vous ferai parvenir dès demain texte, linos, et mise en page. De peur de confusion, daignez détruire le texte et la mise en page que vous possédez. Si le nombre des dessins est le même je n’en ai pas moins refait depuis l’époque où je confiai cette mise en page à Mr Debauvais les deux tiers des gravures, comme vous
pourrez vous en rendre compte. C’est vous dire le prix que j’attache à la mise au point parfaite de ce livre. »
Son perfectionnisme est ici à souligner. Son ouvrage est le reflet de sa propre pensée. C’est une part de lui-même qu’il montre à la fois au monde bretonnant mais aussi au monde artistique.
Mais l’arrivée imminente de la guerre va entraîner des retards d’impression. Il écrit le 13 avril
1939 dans son journal : « “Ene al linennou” n’eo ket dare da veza moulet c’hoaz, emichans.
Galvet eo bet an embanner (Basset) da veza soudard ha gantañ kalz eus e vicherourien. »
« “Ene al linennou” n’est sans doute pas encore prêt d’être imprimé. L’éditeur (Basset) a été appelé à être soldat et bon nombre de ses ouvriers avec lui. »
C’est finalement en 1942, après que l’orthographe peurunvan ait été adoptée et aux nouvelles
éditions de Skridoù Breizh créées en 1941 que l’ouvrage va pouvoir être imprimé non plus à
l’Imprimerie Centrale de Rennes mais à l’Imprimerie Commerciale de la Dépêche de Brest.
Xavier de Langlais n’est alors plus seul à pousser pour que son ouvrage soit imprimé rapidement : « Monsieur Fouéré ayant cautionné en partie cette édition s’intéresse en effet très spécialement à l’impression de cet ouvrage. Il regrette comme moi les retards successifs
apportés à son tirage, et vous fait part de nouveau de son très vif désir d’une impression
parfaite. »
C’est finalement par une lettre du 19 août 1942 de l’éditeur que Xavier de Langlais apprend l’impression de son ouvrage. Il va par la suite envoyer un communiqué de presse sur les conseils de l’éditeur à Arvor, La Bretagne et L’Heure Bretonne.

À la suite de la parution de l’ouvrage, un écho notable se fait dans la presse. Celle bretonne
comme dans Arvor (Arvor, n°91, 04/10/1942), article dans lequel est mis en avant le fait que sa nouvelle œuvre soit autre chose qu’une œuvre de fiction :
« Betek-hen, koulskoude, eo chomet dreist-holl hol lennegezh war dachenn ar
faltazi. Un dachenn ledan hounnezh, a dra sur. Hogen, er-maez eus ar faltazi ez eus
tachennoù all, – tachennoù ledan int ivez, – n’int bet nemeur darempredet gant hor
skrivagnerion. Er c’heñver-se, ober ar barzh hag al livour Langleiz a zo ur
skouer. »
« Jusqu’à maintenant, cependant, notre littérature est restée sur le terrain de la fiction. C’est sûrement un terrain très large. Mais, en dehors de la fiction, il y a d’autres terrains, – ce sont également de larges terrains, – qui ne sont pas entrés en relation avec nos écrivains. En cela, l’œuvre du barde et peintre Langleiz est un exemple. »

Un article élogieux plus large mais citant Ene al linennoù paraît dans La Bretagne(20/09/1942), un autre dans L’Heure Bretonne (n°116, 03/10/1942) ou le journaliste Youenn Drezen ne tarie pas d’éloges :  « Et voici que la firme « Skridoù Breizh » nous présente aujourd’hui de Langleiz,
Ene al Linennou (l’Âme des Lignes). C’est un livre de théorie, me dira-t-on à l’usage des dessinateurs. Oui ! Mais c’est un livre de théorie composé par un poète, illustré par un artiste et présenté luxueusement par l’éditeur. Une aubaine pour le bibliophile, un trésor pour l’artiste bretonnant, un enrichissement original de la librairie bretonne !… »
Du côté des revues bretonnantes, Dihunamb (n°376, 10/1942, p.142.), via son directeur Loeiz Herrieu, n’a pas manqué de souligner la sortie de ce livre peu courant : « Setu er uéh ketan é komzér diar en Arz é brehoneg pen-der-ben : get koantiz é toug hor ieh hé guiskemant intron vras. Hor gourhemenneu d’er guiskour. »
C’est un réel plébiscite pour une œuvre singulière que vient confirmer l’article paru dans Le Goéland (n°58, 7è année, 09/1942), revue dirigée par Théophile Briant : « Les intéressantes recherches que vient de faire Xavier de Langlais illustrateur de vos Amazones de la Chouannerie, sur l’Ame des Lignes n’apportent-elles pas elles aussi leur contribution à l’éternelle recherche d’un point d’équilibre du Monde ? » Robert Le Masson va par ailleurs profiter de la sortie d’Ene al Linennoù pour parler principalement de Kanou en Noz dans sa critique parue dans la Dépêche de Brest.  (La Dépêche de Brest et de l’Ouest, n°21 311, 11/11/1942)
Ene al Linennoù reste un ouvrage unique dans la littérature bretonne, œuvre mêlant art,
philosophie et recherches techniques, et le tout dans la langue chère au cœur de l’auteur.

Glenn Gouthe  thèse 2021

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