1947 Exposition Nantes au congrès Eucharistique

Triptyque pour le congrès eucharistique de Nantes  23/05/1947

 

 

 
 
 

 

 

Origine des documents originaux

courrier adressé à Xavier Hass son ami peintre.
 
 
Journal du peintre :
 

Je prépare depuis 15 jours, un grand triptyque de 2m30 de haut sur 5m de long, pour l’exposition d’art sacré qui doit avoir lieu à l’occasion du Congrès Eucharistique de Nantes.

L’exécution de cette toile non “commandée” et ensuite impossible à caser, constitue un véritable défi au bon sens. J’utilise pour tendre ces 3 panneaux jusqu’à mon dernier bout de toile. Mais j’en ai assez de peindre au centimètre carré, alors que je ne rêve qu’échafaudages et coupoles. Du coup profitant de cette occasion de me faire connaître d’un certain public, que l’on peut supposer éclairé, je me suis passé commande à moi-même, comme au beaux jours du radeau de la Méduse !

Titre : “Prière pour la Paix”. A gauche Adam et Eve grandeur nature, entrevoyant les conséquences lointaines de leur faute et appelant déjà de toute la nostalgie de leur âme, le RACHAT. Au centre la Vierge recevant l’enfant, au-dessous, les ruines d’un paysage de guerre. A droite enfin ! Une vieille femme décrèpie, symbolisant l’humanité déchue, ne comprenant rien au désastre. Mes trois cartons sont achevés et transposés sur toile.

Mes trois toiles n’étant pas du même grain, j’en ai rendu l’aspect uniforme en les grainant à la sciure de bois. Avec la préparation suivante :

1) couche de case Arti (case arti 1k, eau 1 litre, saupoudrée de sciure de bois)

2) 1 couche de colle totin 200grs, eau 2 litres, blanc d’E 800 grs, terre de sienne naturelle 125, ocre jaune 25, bleu d’outremer 50.

Exécuté aujourd’hui sur une toile de 12 F, même préparation, d’un morceau de ma composition. En grande surface j’ai l’impression que le procédé Méheut semble pauvre, ne convient pas à l’effet que je cherche.

24/05/1947 Exécuté un autre morceau sur toile de 5 F (même fond) avec huile ordinaire Lefranc + un peu de cire et de ponce, en me servant de pétrole comme véhicule. Je m’en tiendrai à ce procédé.

27/06/1947 J’ai mis à peu près un mois à peindre le triptyque complet. Il m’est arrivé une mésaventure incroyable. Le triptyque était déjà en place, et en bonne place, au centre d’un panneau dans la première salle du Musée, lorsque le Chanoine président le Jury s’aperçut, Seigneur ! que mon Eve était, telle que le créateur l’avait faite. A peine masquée d’une ceinture de feuillage … Scandale et décrochage ! Je me suis bien entendu défendu comme un diable, mais en vain, alléguant l’exemple de la Sixtine, encore qu’il s’agisse ici d’un Musée et non d’une chapelle. J’ai eu la consolation d’avoir pour moi, tout le reste du clergé, fort curieux, bien entendu de jeter un coup d’œil sur le tableau censuré. Autre compensation morale : le panneau central (seul rescapé du désastre), a attiré pas mal de regards.

 
Rennes ce 24/V/47
Vieux cher,
Le temps passe avec une rapidité déconcertante. T’ai-je écrit depuis mon exposition de Nantes ? Je ne sais plus. Sept toiles vendues (+ 2 autres par ricochet) de bons articles, une conférence qui a été jugée intéressante, voilà le bilan. Mais je n’ai pas d’illusion, tout cela est très inférieur à ce que je devrais faire ; donc sur le plan de l’art je continue à me juger moi-même sévèrement. J’étais fait pour grimper sur des échafaudages quitte à me casser la figure au propre comme au figuré.
Il y a en juin à Nantes une grande expo d’art religieux avec les équipes régionales et « parisiennes » « Atelier d’Art Sacré » etc, du coup je jette un cri de défi sous forme d’un grand triptyque tragique (2m30 de haut sur 5m de large) « Prière pour la Paix ». 1er panneau Adam et Eve ayant la prescience de l’avenir à la fois grandiose et lamentable qui attend leur rejetons. Panneau du centre : une Vierge sortant des décombres avec l’Enfant dans ses bras : l’éternelle espérance. 3é panneau Une vieille femme sur les ruines de sa maison : l’humanité victime d’elle même et qui ne comprend plus rien à l’univers ni à son propre destin le tout relié par le paysage.
 

Je commence lundi à Peindre !…
Et quand ce sera fini et que les critiques lui auront fait un sort il me restera la ressource de découper ce grand ensemble en tableautins de 6 figures pour gagner la vie des miens.
 
Lettres de XL à XH 1947
L’exposition d’Art Religieux à Nantes groupe 400 et q.q œuvres, parmi lesquelles 4 ou 5 bonnes choses. Le reste composé du médiocre et du pire. Les Desvallières et Maurice Denis exposés ne sont pas parmi leurs meilleures œuvres. Quant à l’art “non représentatif” c’est de la crotte de Picasso broyée à la fleur d’oranger : ça sent mauvais quand même. Un Dominicain directeur de l’Art Sacré en explique les vertus curatrices de 5 à 7 h tous les soirs : causerie pétrie d’esprit, feu d’artifice à la française à vous en couper le souffle : il ne manque que la tasse de thé.
Ambiance de grande bataille : on m’a refusé mon Ève comme trop nue pour la “Section Nantaise” et à côté de ça le Dominicain avait accroché dans sa section “parisienne” (!) des études de nus masculins, o combien masculins avec des génitoires gros comme ça !
Compensation à ces mesquineries : ma toile a été très remarquée, elle est parmi les 4 ou 5 peintures que les journaux ont reproduites.

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